Le mardi c'est raviolis. The return of the Kévin et Sanatorium 2.
Oh mes enfants, une journée de FOUFOU.
Il y a tellement de choses à raconter que j'ai réfléchi une heure à comment organiser ça pour que ça fasse le moins fouillis possible. Et puis bon, faisons ça chronologiquement, ça sera plus simple.
La journée ne s'annonçait pas bonne, mais pas bonne du tout. Comme mercredi dernier, ce matin je me suis levée avec la tête dans la choucroute et me suis endormie un peu partout jusqu'à onze heures. Ça y est je sais d'où ça vient, c'est un médoc que je prends le soir. Si je le prends trop tard, je deviens un zombie le lendemain. Faut que je fasse gaffe à ne plus le prendre après minuit (mais hier trop concentrée sur le Jubilee Concert jusqu'à tard, j'ai zappé l'heure des médocs).
C'est tête dans le c... et à deux doigts du coma que j'ai fait comme j'ai pu mes deux premières heures de cours. Jennifer (6e Tarzan) et Kévin (4e Shrek) qui d'habitude s'écrasent et la ferment dès qu'on leur lance la moindre vanne, ont profité de ma faiblesse pour régler leurs comptes.
8h
Jennifer est tournée, Jennifer tourne-toi, une fois, deux fois. (Ohhh Jennifer, tourne-toi) (NON NE CLIQUE PAS) (Tu étais prévenu(e)) (GIGAFUN)
- HEY HO CA VA LA J'AI RIEN FAIT VAZY LA !
- Jennifer, ne me parle pas comme ça...
- Vazy là oh elle est folle, elle (le classique, le vrai)
9h
Kévin
- Madame je peux aller chez le CPE il a dit que je dois rechercher mon carnet chez lui.
- Non.
- Mais pourquoi ? AH OUAIS c'est pour mon carnet, vazy là, CA FAIT CHIER A LA FIN.
- Kévin, tu t'enfonces.
- NON MAIS PUTAIN CA FAIT CHIER LA ON PEUT RIEN FAIRE AUSSI
- BON. Kévin, tu arrêtes de me parler comme ça je ne suis pas ton chien, ET SURTOUT ARRETE DE CRIER bordel de pute de merde.
- HE MAIS C'EST VOUS QUI CRIEZ LA ! DE TOUTE FACON VOUS CRIEZ TOUT LE TEMPS. J'AI RIEN FAIT.
- Kévin, j'ai juste dit non. Tu insistes. Et tu te places en victime ? J'hallucine.
Exactement pareil que Kévin l'autre jour, qui m'avait dit "Tu vas voir si je vais changer de place"
Ptain les mômes, je suis en train de mourir là, soyez un peu cool.
10h.
Récré, je vais en profiter pour checker Iprof, parce qu'aujourd'hui c'est les résultats des MUTATIONS INTRA. Autrement dit, voir où je serai l'an prochain dans l'acad de Petite-Ville-de-Province.
Vite, vite, j'ai hâte. Je suis hystérique. Je tiens plus en place Vite login. Vite mot de passe. C'est quoi mon mot de passe. Chsais plus. Zut. Crotte. Vouzavéperduvotremotdepass. Oui ça. Okay mon Numen. Zut. Chiotte. C'est quoi mon Numen.
BRAIF
Après environ douze minutes de recherche intensive de tous les choses pour se connecter, je me connecte enfin et là.
Là.
LA.
Exception rencontrée durant le traitement. (05/06/2012 10:00)
Erreur rencontrée au sein des traitements iprof. Merci de retenter une connexion ultérieurement.
sigat.iprof.gestion.gestiontravail.TravailException: La description du traitement n'a pu être trouvé dans le fichier 'listeTraitements'
MAIS POURQUOI ?
Rééssayé à 10:01, 10:09, 10:15, 13:05, 13:24, 15:43 et 17:57.
Rien. Ni dans les mails. Ni dans les SMS. Je suis tristesse.
13h15
Une histoire qui a éclairé ma journée. Quoique.
La jeune prof de Corps Humain me raconte à midi qu'elle a confisqué une petite bouteille à Kévin. De l'alcool qu'elle croit. Ni une ni deux, l'alcool elle connait ça, la Erzébeth : "Ben, fais sniffer pour voir..."
J'approche mon nez du goulot du petit flacon, et le temps d'un quart de seconde, je perds connaissance, ma vie défile devant moi, je vais mourir.
- POUAH MAIS C'EST QUOI CA ?
- J'sais pas, c'est pas de l'alcool ?
- ET BEN, PAS QUE !
Le truc avait l'odeur d'un solvant super fort. Le genre de truc dans lequel Boyfriend dilue la peinture de ses bonhommes en plastique. Encore pire que de l'alcool à brûler. Le genre de truc à déclencher un incendie si tu le réchauffes avec tes mains.
- Et il faisait quoi le Kévin avec ça ?
- Bah, il le sniffait.
WOW.
Ca expliquerait le nombre impressionant de neurones manquants.
13h20
La Dame de la Bibliothèque déboule dans la salle des profs.
- ON M'A VOLE 20 EUROS CE MATIN DANS CETTE SALLE
- Oh ben, t'es pas la seule, regarde :
Sur le tableau blanc des infos, un message du prof d'allemand. Daté de jeudi dernier. On m'a volé 40 euros dans mon sac ce matin, en salle des profs, soyez attentifs.
Entre vous et moi. Il n'y a pas d'élèves qui entrent en salle des profs. Aucun. Jamais. J'en suis sûre.
Seulement des profs.
Et des surveillants.
Session Cluedo, on commence à soupçonner son voisin. Qui était là ce matin ? Qui est entré, qui est sorti ? Qui est un gros crevard malhonnête ? (non, pas toi Educator, les chocolats c'est du passé <3) Ambiance.
En tout cas, moi maintenant je vais en cours avec tous mes sacs. Même ma valise du week-end. On ne sait jamais, si le (la) voleur(se) de la salle des profs voulait me voler mes culottes... Ou MA CREME CLINIQUE A PLEINDEUROS. Oh nan.
13h40
La 5e Armageddon ne va pas jouer à la marchande aujourd'hui. Oh que non.
Kévin, Dylan et Ptit Kev entrent très agités. Mais alors très très agités. Je sais comment c'est quand ça commence comme ça, je ne veux pas passer l'heure à proférer des menaces, à les mettre à exécutions, à recommencer, à en avoir marre et finalement exclure. Je mets Ptit Kev sur le palier cinq minutes pour qu'il se calme, renvoie Dylan parce que c'était pas son groupe (ouf un de moins) et essaie de calmer gentiment Kévin.
- Hé fais-moi pas chier toi !
- Dis donc Kévin, j'essaie de rester gentille mais là ça va pas.
- Je parle comme ça, c'est tout.
- Ah bon, je ne pense pas que tu dises ça à ta mère.
- QUOI QU'EST CE QUE TU DIS MA MERE, QU'EST CE QUE TU DIS MA MERE ? TU VAS VOIR TU VAS VOIR.
- Je vais rien voir du tout, tu sors.
- C'EST TOI TU DIS MA MERE !
- OUI KEVIN, je dis ta mère si je veux, c'est un mot de la langue française et je l'emploie si j'ai besoin de l'employer. Tu vas arrêter ton cirque, pour un MOT,SERIEUSEMENT ?
- VAZY TU DIS PAS MA MERE MOI JE ME CASSE DE LA.
Il claque la porte.
Silence.
Je reprends mon souffle. Je suis à deux doigts de pleurer. J'essaie de respirer lentement et de ravaler mes larmes.
- Il est fou lui madame.
- Vous avez dit sa mère aussi...
- Mais. Je n'ai pas insulté sa mère, je n'ai rien dit de méchant, faut arrêter de partir au quart de tout quand vous entendez ce mot.
- Ouais mais faut pas dire.
- Ben faites-moi une liste des mots qu'il ne faut pas dire parce que là j'avoue, je ne comprendrai jamais vos réactions. C'est ridicule. Complètement ridicule.
La 5e Armageddon est silencieuse.
- Désolée. Continuez la feuille, cinq minutes et puis on corrige.
Je m'assois un moment. Je tremble et j'ai du mal à retenir les larmes. Je m'essuie les yeux vite fait pour pas que ça se voit. Je ne peux plus parler, ni regarder la classe.
Kévin c'est lui. J'ai du déposer une main courante contre lui au commissariat.
Kévin c'est une des causes de mon arrêt de trois mois.
Kévin est toujours là, il me fait des coups comme ça à chaque heure.
Kévin est un gamin que je ne peux pas gérer. Kévin a des miliards de problèmes que je ne peux pas résoudre. Kévin ne respecte rien ni personne. Kévin déteste les femmes.
Et pourtant Kévin est toujours là. Rien n'a changé pour lui. Il terrorise toujours sa classe. Il me terrorise toujours autant. Dès que je le vois le souvenir de ce jour affreux me hante, et je me sens incapable de me comporter normalement avec lui.
Je ne peux plus travailler ainsi. Je n'accepterai plus Kévin ce mois-ci. Je sais que ce n'est pas normal d'en arriver là, mais je ne peux plus. Il n'a fait que hurler, se battre, insulter et effrayer sa classe pendant un an. C'est pas maintenant que ça va changer. Et si on n'accepte pas ça, je refuserai de faire cours à la 5e Armageddon.
C'est décidé. Fini les sacrifices, les heures passées à me demander quelle est la prochaine connerie qu'il va faire, à le séparer des cheveux de Jennifer qu'il se met à tirer sans raison, à supporter ses discours machistes et totalement irrespectueux des femmes, à le voir traiter comme un chien les filles de sa classe. Tout ça sans l'exclure, par peur de passer pour une incapable, ou d'agraver la situation avec lui.
14h30
La 6e Tarzan entre en classe. Au milieu du brouhaha de chaises déplacées et des bavardages de début d'heure, surgit un cri. Un gros cri. Je me retourne et là je vois un Kévin sauter sur un autre Kévin et commencer à l'étrangler. Et le Kévin étranglé de se débattre dans tous les sens, de lancer les poings et les pieds.
Je ne réfléchis pas, je saisis l'étrangleur. Je me prends un coups de coude dans les côtes, ouille. Je parviens à l'éloigner. A quelques mètres de sa victime. Qui se relève. Qui regarde l'autre Kévin avec un regard qui m'a fait froid dans le dos. Et qui soudain, lui fonce dessus. Lui envoie un coup de poing dans la mâchoire. J'essaie de m'interposer entre les deux, mais y a rien à faire. Les deux Kévin se sont attrapés et commencent à s'étriper. C'est alors qu'un élève attrape le plus petit des deux et l'éloigne de toutes ses forces de l'autre Kévin, que je saisis alors par le bras et l'emmène tant bien que mal dans le couloir. Je crie à Jennifer d'aller chercher un surveillant. Qui arrive tranquillou, Maxou bien dix minutes plus tard.
L'élève qui a séparé la bagarre vous ne le connaissez pas. Je n'ai jamais parlé de lui ici, je ne parle pas suffisamment d'élèves comme lui. C'est un garçon mignon, très gentil et travailleur. Qui s'accroche malgré peu de facilités dans la matière. Un garçon sensé, raisonnable, mature, qui dit bonjour, merci, au revoir, qui m'aide à faire le ménage après chaque heure, qui vient s'excuser pour ses absences ou ses retards. Une petite embarcation fragile et discrète au milieu des flots agités de la classe, qui ne se laisse pas chavirer pour autant. Une perle. Un pierre précieuse même, tant il est rare de rencontrer des élèves comme ça. Il y en a un en 6e Tarzan, une en 6e Jumanji.
Bon, permettez que je m'assois... C'est beaucoup d'émotions en une seule journée ça.
Et c'est pas fini. Aujourd'hui avait lieu le dépistage pour la TUBERCULOSE. Occasion qui m'a permis d'apprendre qu'elle s'était déclarée non pas dans UNE mais DEUX des classes que j'ai cette année.
Oh joie. J'ai vérifié, je suis la seule qui ait les deux classes. Donc j'ai deux fois plus de risques que les autres. C'est chouette.
Alors le dépistage des 6e a eu lieu pendant l'heure d'avant, juste après la bagarre. Un par un les élèves remontent en classe, certains livides, au bord du malaise. Certains ont mal, certains moins, certains ont une grosse trace rouge sur l'avant-bras.
Tout le monde a le bras tendu sur sa table, la manche remontée. Ambiance salle de dialyse.
J'ai la trouille un peu. Et cet imbécile de Kévin qui me dit "vous avez pas comme une boule là dans le ventre ? Parce que moi j'ai eu ça..." Et Jennifer : "MADAAAAME J'AI MAAAAL".
Naaan pas la piqure, naaan je veux pas avoir maaaleuh.
Et puis c'est mon tour. Le prof de cube et le prof de perceuse veulent passer avant moi parce qu'ils ont cours après. OH QUE OUI, passez, je ne suis pas pressée. L'infirmière me guette, je ne peux plus m'enfuir. J'entre dans la salle 666 reconvertie en cabinet médical. Je réponds à un questionnaire sur mes antécédents et traitements, et je tente de discuter un peu avec les infirmières et le médecin.
Allez madame Erzébeth, à la piquouse. NOOOOOOOOOOOO..... Ayé c'est fini.
C'est tout ? C'est juste ça là ? Cette piqure de moustique encore puceau ? Oh ben c'était bien la peine...
En fait le plus dur, c'est après. Faut aller dans un camion déguisé en cabinet de radiologie, ou bien l'inverse. Faut entrer dans une minuscule cabine d'essayage. Faut se dépoiler complètement du haut - soutif et piercing y compris - ressortir devant un monsieur un peu vieux et une dame un peu vieille, et te plaquer la poitrine contre une planche en plastoc froid. Puis comme tu t'appelles Erzébeth et que t'es un peu bête, tu as mis une robe. Donc t'es pas seulement torse à poil, nan, t'es en culotte. Un grand moment de bonheur. Et de solitude.
Ce fut une bien belle journée.
Et pour couronner le tout, je suis fatiguée, malade, déprimée, cernée jusqu'au menton, et mes cheveux ressemblent à un paillasson à cause de l'alternance chaleur-pluie.
Et suite à découvert dont la seule mention est indécente, je n'ai plus le droit de faire du shopping. Ouin.